Avec toi jusqu'au bout du monde
Dialogue d'une mère avec sa fille autiste
Marie Deshays-Delépine
Annick a trente ans. Elle est autiste, mutique et dépendante pour de nombreux actes de la vie courante. Et pourtant sa mère a toujours cru en son intelligence. Après avoir essayé de multiples moyens de communications sans succès, Annick, aidée dans son geste, s'exprime aujourd'hui à l'aide de sa petite machine qu'elle emporte partout dans son sac. Grâce à la communication facilitée (CF), méthode encore trop peu connue ou reconnue, Annick manifeste ses choix, ses sentiments, ses idées sur le monde qui ne lui est pas aussi indifférent qu'elle le laisse paraître.
Même si nombreux sont les sceptiques sur la valeur et la fiabilité de cette méthode, il est «Urgent de réveiller les gens. Ils ont besoin de tout comprendre avec la tête, et le coeur on le croit moins intelligent. Les acteurs de vie raisonnable demandent toujours les preuves aux choses qu'ils ne comprennent pas», selon les mots même d'Annick. Pourquoi priver d'un tel bonheur les personnes bloquées dans leur communication ? «Vacherie d'ignorance fait souffrir autant les handicapés que vous autres.»
«Avantagez-moi en raflant mes textes aux autres gens.» C'est pour répondre à cette demande d'Annick que sa mère livre son témoignage. Pour dédramatiser le handicap, réconforter de nombreux parents et révéler à tous un monde différent aux richesses insoupçonnées.
Les messages poignants d'Annick interpellent: «Moi je cache mon esprit sous un habit de fille bête. J'aimerais exister comme tous les gens. Réalisez-vous que moi je suis vite dame alors que je reste enfant. Maladie empêche dame de grandir. Facile de croire que moi je indiffère. Faux.» La CF nous renseigne, nous déroute, nous éclaire, nous exalte. Elle nous apporte aussi la souffrance de la personne handicapée à l'état brut. Il faut le savoir et se préparer à cela. C'est peut-être une raison pour laquelle cette méthode tarde à être reconnue. «Maman je t'aime fort car tu ne sapes pas mes espoirs. J'ai galvanisé ma peur. Je guéris mon autisme inutile. Je veux goûter la vie.»
À l'heure où le mot handicapé semble être banni par les hommes de loi eux-mêmes (Arrêt Péruche), ce témoignage rend toute sa dignité à la personne handicapée.
L'auteur:
Marie Deshays-Delépine, née à Douai (Nord) en 1947, est mariée et mère de quatre enfants. Professeur de collège pendant vingt-sept ans, elle fait partie de différents orchestres de Douai et de Lille en tant que violoncelliste. Il y a quelques années, elle décide d'arrêter l'enseignement et de se consacrer à sa fille Annick, autiste non-verbale. Elle découvre la méthode dite «Communication facilitée» et s'y forme pour aider Annick à communiquer. Aujourd'hui, elle milite pour la reconnaissance de la personne handicapée à travers l'association «À deux mains» qu'elle a créée.